L'oeuvre romanesque d'Albert Ayguesparse

Extrait :

"Si l'art de nommer le monde, j'entends la poésie, est une forme supérieure du jugement, on aperçoit la corrélation entre un obscurcissement de l'horizon des valeurs et le choix d'un mode du constat : le roman se différencie en effet du poème en ce qu'il aborde le réel par la face contingente, celle de l'éphémère et du transitoire, et ne peut donc déboucher sur le monde de l'absolu que par l'universelle référence : un roman de Balzac ne nous touche que par l'âme humaine qu'il implique mais ne décrit pas, la fable se détruisant d'elle-même ; et Emma Bovary, morte, commence de vivre par le lecteur de Flaubert ; par contre, un poème d'Aragon ne trouve d'autre prolongement que sa propre forme, il ne permet ni évasion ni continuation mais s'impose, comme la sculpture, dans un espace-mot rigoureusement fermé."

Collection Mains et Chemins, N°1, André De Rache, Bruxelles, 1970.