Au bord des fonderies mortes

Extrait :

"La porte est ouverte. C'est le septième jour. Apparemment, rien n'a bougé. Jusqu'ici, on a espéré. Une trace de passage au moins. Un léger déplacement. Le lit. Les bibelots sur la commode. Un verre avec un fond de vin. Un mégot. La laisse du chien ? Là, accrochée à la patère. Chien parti sans sa laisse ? Serait parti avec son chien sans laisse ? Voyons, ça n'a pas de sens. On reste planté dans le petit salon-chambre-à-coucher-cuisine en contrebas de la rue et là au fond la porte battante sur la courette encombrée de bouteilles vides, l'escalier qui conduit au jardin que le chien en creusant a semé de cratères. Rien n'a changé. En sept jours. Si. Il y a davantage de poussières. Maintenant, ça se voit. Le monde qui était notre fils, notre lumière, la chaleur d'hier et de demain, sombre sous la poussière. Bientôt des déménageurs dépêchés d'on ne sait où viendront vider le sous-sol. Il restera un trou sans air, des toiles sans araignées, une mémoire sans images. Et parfois, par grand vent, le halètement d'un chien-loup qui danse."

Editions L'Age d'Homme, Lausanne, 1998.
Couverture : Collage de Ferry C.